Grâce à de nombreux documents et objets confiés au Musée de la Photo de Graçay par Philippe et Sarah Guignard d'une part et par André Guignard de l'autre, le Musée désire faire partager la vie aventureuse de Lucien Prévost, austrégésillien et graçayais célèbre, 94 ans après sa disparition. Commencées en mai 2002, les recherches tous azimuts sur Prévost ont trouvé leur concrétisation, un an plus tard, par une exposition d'objets et documents au rez-de-chaussée du Musée. Je travaille aussi à la réalisation d'un cédérom à vocation pédagogique, toujours en recherche de partenaires, pour la mise valeur de l'histoire d'un tel grand homme.
Né à Saint-Outrille, près de Graçay, dans le Cher, le 6 mars 1875, Lucien Prévost est tour à tour, grand voyageur, aventurier, soldat, puis inventeur et constructeur de machines cinématographiques. Dans le milieu technico-intellectuel du Paris de « Belle Epoque », Il est l' ami de Gustave Eiffel et Ferdinand de Lesseps. Il meurt à Paris en 1911 à l'âge de 36 ans et repose désormais dans le petit cimetière de Saint-Outrille.
Le père de Lucien, Joseph Prévost est boulanger à Graçay, rue Ludovic Martinet où la boutique est tenue par son épouse Angélique. Marie-Louise et Edmond, soeur et frère jumeaux, sont les cadets de Lucien. Edmond reprendra la boulangerie de la famille Prévost.
Élève de l'école du canton (Les lois Ferry sur l'école publique sont en cours d' application), Lucien Prévost obtient son Certificat d'Etudes Primaires, le 11 mai 1888, à Graçay. Il poursuit ses études secondaires dans l'ex-École Nationale Professionnelle de Vierzon de 1889 à 1892, où il apprend les théories de la mécanique.
Lucien Prévost prépare ensuite, entre Brest, dans la Marine Nationale et Paris,
Ecoles Industrielles de l'Etat, son diplôme d'ingénieur en mécanique.
Alger 1898. Nous y retrouvons Lucien Prévost qui effectue son service militaire de deux ans. Il met à profit chaque moment de repos pour découvrir cette colonie française de l'intérieur. Il est affecté en tant que dessinateur principal de l'Amirauté d'Alger. Ses carnets de voyages sont de précieux témoignages sur la vie dans les colonies françaises de la fin du XIX° siècle. Avec ses amis Rhodes et Cornu, à chaque permission, il parcourt des dizaines de kilomètres à pied autour d'Alger, prenant des notes, des croquis et des photographies grâce à son appareil « moderne », une chambre H. Martin de format 13x18, visible au Musée Photo de Graçay.
Alger 1898. Nous y retrouvons Lucien Prévost qui effectue son service militaire de deux ans. Il met à profit chaque moment de repos pour découvrir cette colonie française de l'intérieur. Il est affecté en tant que dessinateur principal de l'Amirauté d'Alger. Ses carnets de voyages sont de précieux témoignages sur la vie dans les colonies françaises de la fin du XIX° siècle. Avec ses amis Rhodes et Cornu, à chaque permission, il parcourt des dizaines de kilomètres à pied autour d'Alger, prenant des notes, des croquis et des photographies grâce à son appareil « moderne », une chambre H. Martin de format 13x18, visible au Musée Photo de Graçay.
Les descendants des Hollandais installés comme agriculteurs et éleveurs en Afrique du Sud, sont appelés les « Boers ». La politique anglaise d'expansion coloniale pousse de nouveaux colons vers le sud: aventuriers, chercheurs d'or et de diamants affluent au Transvaal provoquant ainsi la révolte des Boers qui entrent en guerre contre les Anglais en 1898.
En France, la population prend en amitié ces fameux révoltés contre l'envahisseur anglais; c'est l' expression d'une très ancienne rivalité. Les Boers sont considérés comme des héros et, bien entendu, les anglais ont le mauvais rôle. A cette époque, Lucien Prévost occupe le poste de dessinateur-chef à l'arsenal de Johannesburg. Il est blessé lors d'une bataille et doit son salut à un établi qui le protège d'une explosion au cours d'un bombardement anglais.
Après ce bombardement, il fuit le Transvaal sur un cheval qui veut à tout prix le ramener vers les lignes anglaises.
A son retour en France, il est félicité et médaillé par le Président Kruger, Chef des Boers, au service duquel il avait été affecté auparavant et qui effectue un voyage diplomatique. En 1902, un traité de paix est signé entre l'Angleterre et les Boers d'Afrique du Sud. A Graçay, le père de Lucien Prévost appelle son cheval « Kruger » en souvenir de l'aventure.
Dans une carte expédiée du Mozambique le 19 avril 1900, Lucien écrit à son père à Graçay : « J'arrive aujourd'hui seulement au Mozambique, le paquebot Gironde ayant eu un accident de chaudière qui nous a retardé de trois jours. Il fait ici une chaleur étouffante, cependant je me porte très bien et je compte arriver au terme du voyage dans de bonnes conditions (...) »
Après les expériences d'Etienne-Jules Marey (chronophotographie avec un fusil photographique), de Thomas Edison (scènes animées sur film : kinétoscope) et de Muybridge (décomposition du mouvement grâce au zoopraxiscope) un événement, une invention décisive, la technique presque définitive de l'image en mouvement va bouleverser la destinée du jeune ingénieur Lucien. Il a vingt ans, quand, le 13 février 1895, Louis Lumière, l'inventeur et son frère Auguste déposent le brevet du cinématographe, une invention qui sera décisive pour la vie de Lucien Prévost.
Dès l'invention du procédé, des dizaines d'industriels se ruent sur le nouveau marché créé par le cinématographe: Pathé Frères bien entendu, mais aussi Lux, Gaumont, Eclair et l'américain Edison, sans oublier Georges Eastman qui vend la pellicule (Kodak) à tous.
En 1900, de retour en France après son aventure militaire de la guerre des Boers en Afrique du Sud, et un bref passage aux « Chemins de Fer du Nord », Lucien Prévost rejoint un des pionniers du cinématographe, Charles Pathé, pour diriger à Vincennes le bureau d'études de Pathé Frères, premier géant français du film depuis l'invention de Lumière. Après quelques années il fonde sa propre entreprise de machines pour le cinématographe. Il avait fait l'acquisition d'un des premiers Cinématographes Auguste et Louis Lumière, le 1er modèle construit par Jules Carpentier, Ingénieur-Constructeur à Paris, (l'inventeur de l'appareil photo « jumelle »), avant qu'il ne construise lui-même des cinématographes chez Pathé Frères ou à son propre compte. Cette caméra - projecteur est visible au Musée Photo de Graçay.
La gestion de l'entreprise, n'empêche en rien l'activité créatrice de Lucien Prévost, et sa passion pour le cinématographe le pousse à inventer toujours de nouveaux appareils. C'est dans le domaine de la prise de vues qu'il s'illustre avec plusieurs créations de caméras qui viennent concurrencer les « Lumière » déjà dépassées ou les « Edison », « Pathé » et « Gaumont », alors au sommet de la gloire cinématographique. Au catalogue des Etablissements Prévost figure la nouvelle chambre 35mm. En 1928, cette caméra partagera la vedette du film : « The Cameraman » avec Buster Keaton.
« Buster Keaton pour séduire la « script girl » de la Metro Goldwyn Mayer, la jolie Sally, s'achète à grand peine une ancienne caméra de cinéma, c'est la PREVOST 1910; mais nous sommes en 1928 et le cinéma a fait beaucoup de progrès en 18 ans. Il sera très difficile à Buster de rivaliser avec les cameramen-reporters de la MGM. Mais l'amour fait faire des prodiges...Et parfois même des miracles !... »
Une autre très rare caméra a été construite par Lucien Prévost avant 1910. Elle ne ressemble guère au modèle utilisé par Buster Keaton: en effet, ce n'est pas une 35mm classique, mais une 70mm ,format parfaitement révolutionnaire pour l'époque. Au catalogue 1910, un modèle sosie en 35mm figure en bonne place sous l'appellation de 1er modèle. Equipées à l'origine d'optiques Carl Zeiss de Iéna en Prusse, les caméras Prévost pouvaient utiliser plusieurs types d'objectifs, du grand angle au téléobjectif. Celle-ci, également visible au Musée Photo de Graçay, est équipée d'un objectif double anastigmat Rudolf de Iéna. C'était une garantie de qualité pour les riches clients de l'époque.
Parmi les productions remarquables de Prévost , une perforeuse de film 35mm, est sans aucun doute le fleuron de la technologie de l'époque. Lucien Prévost, en fin technicien a adopté la perforation rectangulaire de Thomas Edison plutôt que la perforation ronde des Frères Lumière, jugée peu efficace et dangereuse pour le film. Après avoir mis au point une denture spéciale à échappement rapide du film après entraînement , Lucien Prévost devient le maître incontesté de la perforation et de l'entraînement régulier :
« Un type de machine à perforer absolument indéréglable et d'une précision parfaite..Entièrement réglable, simple d'un démontage facile, elle fonctionne à raison de 600 tours à la minute et perfore 160 mètres de film à l'heure. »
Il faut dire qu'entre 1895 et 1905, Eastman, depuis l'usine Kodak de Rochester, USA, fournissait les constructeurs en film souple (celluloïd) en format 70mm qui était ensuite refendu et perforé, chacun selon sa méthode.
L'activité des ateliers Prévost est de plus en plus dynamique et efficace. Les produits qui sortent du 45 boulevard de La Chapelle, sont reconnus dans le monde entier comme étant parmi les meilleurs sur le marché (perforeuse, métreuse et nettoyeuse de films en particulier). Lucien Prévost, devant le succès de ses produits, agrandit et diversifie sa production et installe ses usines, rue Philippe de Girard dans des locaux vastes et spécialisés. On y retrouve un atelier d'ébénisterie, un de mécanique, un de montage et des bureaux d'où partent des commandes dans toute l' Europe et même aux Etats Unis.
Lucien Prévost, qui désire consacrer plus de temps à la création et l'invention de matériel, installe Paul Guignard, son beau-frère, au poste de directeur de ses établissements, à partir de 1910, mais au sommet de son activité, le 8 juillet 1911, Lucien Prévost est victime d'une rupture d'anévrisme. Il est foudroyé en pleine gloire, sans pouvoir apprécier la nouvelle gestion de Paul Guignard à la tête de son entreprise. Le « Ciné-Journal » de la Société Pathé Frères, parle d'une « perte irréparable pour le cinématographe ».
Après le décès de Lucien Prévost, les établissements de la rue Philippe de Girard, continuent leur production sous la direction de Paul Guignard pendant toute l'année 1911. Ensuite les ateliers et les machines sont vendus et le nom de Lucien Prévost disparaît pour toujours du monde des pionniers de l'industrie cinématographique. De sa trop courte vie, il ne reste que des objets et documents recueillis par ses petits neveux, lui-même n'ayant pas eu de descendance. Il revient au Musée de Graçay, le devoir de faire revivre son oeuvre, pour la postérité cette fois: la passion si courte mais si féconde d'un créateur de génie qui s'appelait Lucien PREVOST.